"Les balles masquées de Mélanie Feuvrier"
Mélanie Feuvrier s'amuse à travailler l'interstice, dans un jeu autour du réel et du factice, à l'image de la figure du masque comme métaphore des passages de frontières qui questionnent fondamentalement l'acte de représenter. Il n'est ainsi pas anodin non plus que la notion de « travail » soit centrale dans une oeuvre fondamentalement reliée au principe du déplacement et aux effets critiques qui en découlent. 

Ce travail démultiplie en effet les zones-frontières, entre l'esthétique et le social, le privé et le public, l'alimentaire et l'artistique, le haut et le bas, le légitime et le trivial. La polysémie du mot « travail », qui proviendrait non de « tripalium » mais de « travel », correspond à la façon dont Mélanie Feuvrier superpose au sein d'une même œuvre différentes strates de significations, désignant parfois dans un même mouvement l'activité de l'artiste, l'emploi salarié, l'accouchement, les processus d’auto-analyse, la capacité à trouver du jeu dans la contrainte. 

Cette polysémie s'accorde également à la multiplicité des médiums employés qui, à l'opposé d'une volonté bassement stratégique de cocher toutes les cases tel un athlète cherchant à maximiser sa performance, n'est que le reflet d'une nécessité intérieure qui se constate dans l'obsessionnelle récurrence des thématiques et des méthodes employées. La forme suit ici la fonction artistique, les enjeux existentiels circulant dans un travail d'empowerment dont la plasticité vise à trouver les moyens de savoir que faire de ce que l'on tente de faire de nous.

 

Barthélémy Bette